
On a le choix
Delphine Petitjean
IJL-Réseau.Presse-On a le choix
Rédactrice en chef et journaliste
Delphine est diplômée en études de la communication et des médias ainsi qu'en rédaction web et enseignement. Elle a débuté en presse écrite en Belgique, puis s'est dirigée vers le domaine de l'insertion professionnelle et de la formation. Au Canada, elle a été chargée de projet, a eu quelques collaborations en rédaction, avant de se former à la réalisation documentaire et de co-fonder On a le choix Média.
« Les docteurs ne connaissent rien »
Sara Murphy et Lisa Blanchard ont mis sur pied le groupe de femmes Divine Feminine Wisdom School.
« Nous essayons de créer un espace sécuritaire où nous pouvons discuter des choses relatives au féminin. […] Comme on a 50 ans et plus, la ménopause, c’est notre vie maintenant. Ça change tout dans notre vie et on trouve que les générations avant ne parlaient pas de ça. », explique Lisa.
« Personnellement, je n’avais aucune idée de ce à quoi m’attendre […] Ma mère est morte et je n’avais personne à qui parler pour savoir comment ça allait m’affecter. […] Tous les changements dans notre corps, il y a des choses qu’on ne sait pas. […] Il n’y a pas beaucoup d’informations. J’ai rencontré des amies que je n’avais pas vues depuis 30 ans et on ne parlait que de ça. […] Les bouffées de chaleur, pour certaines, tu es trempée. Je connais une femme qui ne peut pas travailler. […] Et puis le sommeil… Je peux être là jusqu’à 3h30 du matin puis le sommeil ne vient pas. On parle avec nos docteurs, mais ils ne connaissent rien. Si tu parles avec un médecin masculin, il va juste dire : c’est la vie. Et même, j’avais un médecin féminin et elle m’a dit de ne pas prendre d’hormones parce que ça peut causer le cancer du sein. »
Lisa s’est fait conseiller par une naturopathe et en tant que professeure de yoga, elle souligne aussi les vertus de ce sport pour aider les femmes à vivre leur ménopause, en plus de la médication.
Le yoga, c’est super ! Le corps des femmes commence à sécher, aux jointures, etc. Si on n’a pas pris soin de soi avant, ça peut exagérer la perte de force et de flexibilité. […] C’est de garder nos jointures et nos os bien lubrifiés, spécialement le dos et les hanches. Et nous avons aussi la composante médiation qui peut aider pour le stress et la gestion des émotions.
Lisa Blanchard
Des symptômes sous-estimés
« Dans les femmes qui ont l’âge d’être ménopausées, je dirais qu’il y a peut-être 50 % qui ont des questionnements […], même plus entre 50 et 70 %. », explique Cindy Brousseau, infirmière praticienne au Centre de santé communautaire de l’Estrie (CSCE). Outre les accès de chaleur, la professionnelle souligne les changements cognitifs, ainsi que les problèmes génitaux.
Quant au traitement approprié, elle poursuit : « Ça dépend énormément de la gravité des symptômes et de quels symptômes on veut aller traiter et c’est vraiment une discussion à avoir avec la cliente. […] Si on parle du symptôme le plus courant vasomoteur (bouffées de chaleur et sueurs nocturnes), on va recommander de l’hormonothérapie. […] C’est quand les symptômes sont assez sévères et impactent la qualité de vie des clientes. […] S’il y avait des contre-indications ou si la femme ne veut pas, il y a d’autres options qui sont plus au niveau des antidépresseurs et qui ont démontré l’amélioration des symptômes. »
Pour les traitements non pharmacologiques, l’infirmière mentionne que l’activité physique, la diminution de l’alcool, ne pas fumer ainsi qu’une alimentation saine sont des pratiques qui peuvent aider.
« Les femmes et les intervenantes de soins de santé primaires vont parfois sous-estimer l’impact de la ménopause. C’est quand même 60 à 80 % qui vont avoir des impacts assez considérables sur leur vie. Souvent, les femmes, on est prises dans notre train-train de la vie quotidienne et quand les symptômes arrivent, on va aller associer ça à d’autres choses, surtout au niveau de la péri ménopause. »
Cindy Brousseau souligne également une fausse croyance, source de crainte pour les patientes : « L’hormonothérapie, il y a peu de contre-indications et les effets, il y en a, mais les bénéfices dépassent le risque. »
Et de conclure : « Une autre chose est que les femmes sous-estiment les symptômes génitaux et urinaires, refusent d’avoir des relations sexuelles, ça impacte la vie de couple. Mais il y a des traitements pour ça, qui aident énormément, qui changent la vie ! »
Des conséquences économiques
Selon un rapport publié par la Fondation canadienne de la ménopause en 2023, les symptômes non pris en charge coûtent environ 3,5 milliards $ à l’économie canadienne chaque année. Au regard des données et des témoignages fournis dans le document, il serait important d’offrir un meilleur soutien aux employées lors de ce passage délicat de leur vie. Plus de deux millions de femmes de 45 à 55 ans occupent un poste au Canada, il va donc sans dire que cette force de travail ne doit pas être négligée par les entreprises.
Se sentir moins seules et plus fortes
Les membres de Divine Feminine Wisdom School n’ont pas souhaité de présence médiatique durant la discussion de groupe sur ce sujet intime. Lisa Blanchard a accordé une entrevue à notre rédaction dans une deuxième partie de soirée. « On a eu une très bonne conversation et beaucoup d’expériences différentes. », a-t-elle relaté.
« C’est très important pour nous, c’est quelque chose qui doit être exposé. Les femmes doivent pouvoir en parler plus. Une chose qui m’a surprise est que beaucoup auraient souhaité en savoir plus, plus tôt dans leur trentaine, pour être mieux préparées. »
Au-delà de ce sujet spécifique, Lisa Blanchard et Sara Murphy croient aussi qu’il est temps pour un changement de paradigme.
« Une chose que je voudrais partager est que nous avons des femmes qui ont travaillé pendant 30-40 ans dans un monde d’hommes, et ont fait les choses à la façon des hommes. On connait les vertus du masculin, mais pas celles du féminin et le féminin est ce dont nous avons besoin maintenant. […] Quelque chose de radical doit se passer. La compétition ne fonctionne plus, le capitalisme non plus. Je crois vraiment que si nous avons l’égalité entre les sexes et que nous embrassons les forces des femmes qui sont la compassion, la communauté, la connexion, la création, si nous devenons plus collaboratives, c’est ce dont le monde a besoin. Nous voulons éduquer les jeunes femmes à cette puissance parce qu’elles expérimentent la compétition tous les jours, sur Instagram par exemple, c’est ridicule. […] Ma fille a 11 ans et je suis très inquiète par rapport à ce monde. Je veux que les jeunes femmes sachent qu’elles ont une voix et n’ont pas besoin d’être méchantes, compétitives et vaches. Ce n’est pas ce que nous sommes comme femmes. »