« Forte et fière », la jeunesse autochtone fait entendre sa voix

Marianne Dépelteau – Francopresse – Si le racisme envers les Autochtones persiste, le contexte dans lequel il survient a changé. Grâce notamment à un meilleur accès à l’éducation, les jeunes Autochtones peuvent redéfinir leur identité et mettre en valeur leurs forces. Un travail qui ne passe pas inaperçu, tant auprès des politiques que des universitaires.
Connor Lafortune et Page Chartrand sont deux voix fortes franco-anichinabées du Nord de l’Ontario. Photo : Courtoisie Connor Lafortune
Connor Lafortune et Page Chartrand sont deux voix fortes franco-anichinabées du Nord de l’Ontario. Photo : Courtoisie Connor Lafortune

« Je vois tellement de différences entre ma génération quand j’étais plus jeune, en élémentaire, secondaire, et les générations qui s’en viennent après. C’est vraiment une jeunesse forte et fière », remarque Connor Lafortune, étudiant de la Première Nation de Dokis à la maitrise en relations autochtones à l’Université Laurentienne de Sudbury, en Ontario.

«Les gens sont beaucoup plus éduqués qu’il y a 10 ans», estime Connor Lafortune. Photo : Sam Barry
« Les gens sont beaucoup plus éduqués qu’il y a 10 ans », estime Connor Lafortune.
Photo : Sam Barry

Chez ses cadets, il observe une fierté sans scrupule : « Le seul mot auquel je peux penser, c’est unapologetically. C’est d’être fier sans avoir honte de ce qu’ils sont, de partager, de poser des questions. »

Pour expliquer cette évolution, il cite une éducation «accessible au grand public», qui passe notamment par l’Internet, des balados, des livres, des bandes dessinées et des films «plus ouverts» sur les questions autochtones qu’avant.

À la maison, poursuit-il, « l’éducation et la guérison intergénérationnelle continuent » : « Il y a vraiment des grosses conversations ouvertes entre familles pour parler de l’histoire, pour parler du futur de nos communautés. C’est vraiment ça qui cause une jeunesse aussi forte. »

« Repenser et redéfinir »

Paru en novembre dernier, le livre Les jeunesses autochtones au Québec : décolonisation, fierté et engagement propose de « repenser les jeunesses dans leur dynamisme et leur diversité », plutôt que de les penser uniquement en termes de défis.

« Guérir, être connectés, fiers et soutenus, trouver l’équilibre, prendre leur place et faire entendre leurs voix sont au centre des revendications et des multiples engagements des jeunes Autochtones », lit-on dans l’introduction.

« Il y a plusieurs exemples où les jeunes se réapproprient, redéfinissent la façon qu’ils sont représentés, qu’ils s’expriment, qu’ils veulent communiquer et voient leur vision de l’avenir », note une des directrices de l’ouvrage, Natasha Blanchet-Cohen, en entrevue avec Francopresse.

Selon elle, on parle souvent des problèmes et pas assez des «initiatives incroyables» que mènent de jeunes Autochtones. « Si on mettait plus la lumière où il y a un leadeurship, une autonomisation, ça aurait un impact sur la société », estime la titulaire du volet autochtone de la Chaire-réseau de recherche sur la jeunesse du Québec et professeure à l’Université Concordia, à Montréal.

Natasha Blanchet-Cohen suggère de voir le verre à moitié plein et non à moitié vide lorsque l’on parle des jeunes Autochtones. Photo : Rachel Crisp
Natasha Blanchet-Cohen suggère de voir le verre à moitié plein et non à moitié vide lorsque l’on parle des jeunes Autochtones.
Photo : Rachel Crisp

Écoutés au Sénat

Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones a justement souhaité entendre de jeunes leadeurs autochtones. En octobre dernier, huit jeunes ont témoigné pour raconter les barrières qui se dressent devant eux et le racisme persistant auquel ils font face. Ils ont aussi montré de quoi ils sont capables.

Parmi eux se trouvait Reanna Merasty, une artiste, écrivaine et militante Nihithaw de la Première Nation de Barren Lands, au Manitoba. À 30 ans, elle fait partie du conseil d’administration de l’Institut royal d’architecture du Canada et de celui de l’Université du Manitoba. Elle a aussi écrit un livre et défend l’inclusion des Autochtones en architecture.

Faithe McGuire est quant à elle documentariste à l’établissement métis de Paddle Prairie. Elle produit des films sur la signification d’être Métis.

Breane Mahlitz, de l’Alberta, est conseillère politique en matière de santé au Ralliement national des Métis.

Le lancement du livre Les jeunesses autochtones au Québec : décolonisation, fierté et engagement a eu lieu en novembre dernier. Photo : Ashley Merveille Lovinsky
Le lancement du livre Les jeunesses autochtones au Québec : décolonisation, fierté et engagement a eu lieu en novembre dernier. Photo : Ashley Merveille Lovinsky

« Repenser et redéfinir » sont des termes qui reviennent souvent dans le livre qu’a dirigé Natasha Blanchet-Cohen.

Tu peux avoir une approche déficitaire, où tu mets de l’avant tous les problèmes, ou une approche qui est basée sur les forces, dit-elle. Ce n’est pas dire que tout est beau, tout est rose et tout est parfait.

Un racisme persistant

« La transmission de nos histoires se fait plutôt bien, estime Paskwamostosis Lightning, un étudiant universitaire de la Première Nation de Maskwacis, en entrevue avec Francopresse. L’éducation culturelle des personnes non-autochtones commence à mieux passer. Ils connaissent de plus en plus nos histoires et légendes. »

Les réseaux sociaux sont devenus un outil précieux pour éduquer à large échelle, selon Paskwamostosis Lightning. «On voit de jeunes autochtones sur TikTok ou Instagram qui partagent des connaissances autochtones, et ça reçoit tellement de likes et de partages des choses comme ça.» Photo : Anna Uliana
Les réseaux sociaux sont devenus un outil précieux pour éduquer à large échelle, selon Paskwamostosis Lightning. « On voit de jeunes autochtones sur TikTok ou Instagram qui partagent des connaissances autochtones, et ça reçoit tellement de likes et de partages des choses comme ça. » Photo : Anna Uliana

Selon lui, de façon générale, les Autochtones et les non-Autochtones commencent à mieux s’entendre. « Je pense que les non-Autochtones ont appris à ne pas faire de commentaires racistes et à aller trop loin. »

Mais certaines choses restent pareilles. « Il y a encore beaucoup de racisme envers les jeunes autochtones, regrette-t-il. Les gens pensent que t’es stupide. […] Pas beaucoup de gens croient en la jeunesse autochtone, aux étudiants autochtones. »

Les gens ne font pas toujours confiance aux jeunes autochtones, notamment par peur que ceux-ci abandonnent l’école ou ne remboursent pas leurs prêts, rapporte l’étudiant. « [Encore aujourd’hui], les gens nous perçoivent comme des pique-assiettes [freeloaders]. C’est bizarre. »

D’après lui, des effets à long terme des pensionnats autochtones ont cristallisé l’idée selon laquelle les Autochtones ne sont pas « équivalents ».

« Il y a un changement, récemment, reconnait l’étudiant. Plus de gens veulent de jeunes autochtones, de jeunes personnes racisées dans leurs évènements. Mais c’était difficile, dans mon enfance. »

Accéder au pouvoir pour changer les choses

Dans le processus de réconciliation, il faut «des actions concrètes», revendique de son côté Connor Lafortune. « C’est de réaliser que chaque communauté devrait avoir de l’eau potable, réaliser [l’importance de] l’accès aux services sociaux, et réaliser que nos communautés devraient se faire entendre. »

Paskwamostosis Lightning croit qu’il y aura davantage de leadeurs politiques autochtones dans les générations à venir, notamment grâce à l’élargissement de l’accès au postsecondaire.

Selon Statistique Canada, en 2021, 5 % des étudiants nouvellement inscrits à un programme d’études postsecondaires donné étaient autochtones. Ce chiffre est proportionnel au poids démographique des Autochtones dans la population canadienne pour la même année.

Malgré cela, la proportion de jeunes Autochtones qui accèdent aux études supérieures demeure nettement plus faible que celle des non-Autochtones.

Il y a un « désir des jeunes d’avoir une plus grande place, d’être à la table, d’être dans une posture plus décisionnelle », confirme Natasha Blanchet-Cohen. « On ne sait pas comment sera l’avenir, mais les jeunes [veulent] faire partie de la création de cet avenir. »

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