Projet de loi 5 :  rencontre avec les citoyens de nos Comtés

ON A LE CHOIX - Le projet de loi 5 tel que présenté par l’administration Ford a suscité de vives contestations partout en Ontario. Face aux dangers imminents pour les espèces en péril notamment, citoyens et élus appellent le gouvernement provincial à revoir complètement sa copie. Une occasion de faire entendre les voix de la mobilisation dans notre région.
tortue serpentine

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Delphine Petitjean - Rédactrice en chef

On a le choix

Delphine Petitjean
IJL-Réseau.Presse-On a le choix

Rédactrice en chef et journaliste

Delphine est diplômée en études de la communication et des médias ainsi qu'en rédaction web et enseignement. Elle a débuté en presse écrite en Belgique, puis s'est dirigée vers le domaine de l'insertion professionnelle et de la formation. Au Canada, elle a été chargée de projet, a eu quelques collaborations en rédaction, avant de se former à la réalisation documentaire et de co-fonder On a le choix Média.

Raphaël on a le choix

On a le choix

Raphaël Machiels
Directeur Technique et Caméraman - Monteur

Raphaël est diplômé en Techniques Cinématographiques et en Développement Web. En Belgique, il a travaillé pour la télévision nationale, ainsi que pour les télévisions locales en tant que caméraman - monteur. Il a aussi oeuvré sur des captations de concerts et d'évènements sportifs. Au Canada, il a travaillé dans le Web avant de co-fonder On a le choix Média.

Protéger l’Ontario, vraiment ?

Selon le gouvernement Ford, ce projet de loi vise à « protéger l’Ontario en libérant son économie ». Mais cette liberté au nom du développement n’est pas sans conséquences. Dans un communiqué de presse diffusé le 26 mai dernier, l’Association canadienne de santé publique (ACSP) et l’Association ontarienne de santé publique (AOSP) ont exprimé une forte inquiétude face à ce qui constitue « une menace pour la santé publique, la justice environnementale et les droits autochtones. »

Toujours selon ce communiqué, les principales préoccupations pour la santé publique sont les suivantes :

1. Érosion des protections environnementales

Le projet de loi 5 propose l’abrogation de la Loi sur les espèces en voie de disparition de l’Ontario, pour la remplacer par un cadre affaibli qui réduit la protection des habitats et transfère le pouvoir décisionnel des expert·e·s scientifiques aux responsables politiques. De tels changements menacent la biodiversité et les systèmes écologiques qui soutiennent la santé humaine.

2. Création de « zones économiques spéciales »

La législation permettrait au gouvernement de désigner des zones où les lois provinciales et municipales — y compris celles portant sur les évaluations environnementales, la santé publique et la sécurité — pourraient être suspendues. Cela pourrait mener à des activités industrielles et autres formes de développement non encadrées, sans surveillance adéquate, augmentant ainsi les risques de pollution et les dangers connexes pour la santé.

3.Violation des droits autochtones et des responsabilités découlant des traités

Le projet de loi 5 permettrait au gouvernement provincial de contourner les processus de consultation et d’accommodement avec les communautés autochtones — contrevenant ainsi non seulement à l’obligation de consulter, mais aussi aux responsabilités du Canada en vertu des traités. Les Premières Nations touchées par ces modifications législatives ne sont pas de simples parties prenantes, mais bien des titulaires de droits inhérents et protégés par traité, qui doivent être respectés. Le non-respect de ces responsabilités met en péril la santé des peuples autochtones, leur autodétermination et l’intégrité des relations de Nation à Nation.

4. Menaces à l’infrastructure de santé publique

En permettant des exemptions aux règlements de santé et de sécurité, le projet de loi pourrait compromettre les systèmes conçus pour protéger les Ontarien·ne·s contre les risques environnementaux tels que la contamination de l’eau, la pollution de l’air et les effets des changements climatiques sur la santé. Cela pourrait entraîner une augmentation des maladies, des problèmes de santé chroniques et des décès prématurés.

Opposition municipale

Dans les Comtés unis de Stormont Dundas et Glengarry, les réactions ne se sont pas fait attendre. Plusieurs citoyens ont interpellé la municipalité de Cornwall, ainsi que le député conservateur Nolan Quinn. Contacté par notre rédaction afin de savoir s’il souhaitait s’exprimer sur le sujet, celui-ci n’a pas répondu.

Lors du conseil municipal du 26 mai dernier, la conseillère Sarah Good a présenté une motion visant à affirmer l’opposition de la Ville de Cornwall au projet de loi 5. Celle-ci a été approuvée à l’unanimité.

« Il y a plusieurs préoccupations sur les changements que ça apporte à des lois qui existaient depuis longtemps. C’était très important pour nous d’amener notre voix et de prendre positon pour dire que nous ne sommes pas d’accord. », a-t-elle souligné.

« On a un problème avec le logement, c’est sûr, mais on peut bâtir plus haut, plus dense, dans les villes qu’on a présentement. On a assez de place pour construire, on n’a pas besoin de détruire des espaces qui sont déjà protégés. »

Cette situation permet aussi de mettre en lumière les initiatives environnementales et de recueillir les avis des experts.

Zone de conservation

Jeanie Warnock a créé la zone de conservation Butternut Creek, à Moose Creek.

« J’ai grandi sur une ferme […] J’ai été impliquée dans l’agriculture et la nature, il y a beaucoup d’environnementalistes dans ma famille. […] J’ai eu l’opportunité d’acheter cette ferme et j’ai vu tellement d’autres exploitations détruites dans les alentours que j’ai voulu préserver les caractéristiques naturelles et l’habitat des espèces qui ont été déplacées autour de moi. Les animaux ont besoin d’un endroit où vivre. Ils sont une part vitale de notre monde. », souligne-t-elle.
Jeanie Warnock
Jeanie Warnock a créé la zone de conservation Butternut Creek
Raphaël Machiels - On a le choix

Sauvegarde des tortues

« La plupart des espèces de tortues sont à risque maintenant, en Ontario. Elles ne disparaissent pas quand on construit, elles meurent et finalement, elles vont toutes disparaitre si nous ne construisons pas des endroits comme ça pour elles. », précise Jeanie.

Nicole Truesdell, fondatrice de l’organisme SDG Turtles
Nicole Truesdell, fondatrice de l’organisme SDG Turtles
Raphaël Machiels - On a le choix

C’est pourquoi elle collabore étroitement avec Nicole Truesdell, fondatrice de l’organisme SDG Turtles, qui a fait de la sauvegarde des tortues serpentines sa mission.

« J’ai été motivée à créer SDG Turtles en 2024, après avoir vu vraiment beaucoup de tortues blessées sur les routes de notre région.  Beaucoup d’entre elles étaient mortes alors que souvent, elles peuvent être sauvées. […] J’ai pensé qu’il n’y avait pas assez de ressources et d’informations dans notre région. », explique la jeune femme.

Un manque d’information qui lui a été confirmé par le Centre de conservation des tortues de l’Ontario. Elle a alors décidé de se former auprès d’eux.

Si vous voyez une torture blessée, appelez le Centre de conservation des tortues dès que possible. Elles ont aussi tendance à mourir de déshydratation avant de mourir de leurs blessures. Donc, c’est important, parce que la pire des blessures peut être soignée.

« Beaucoup de gens considèrent les tortues serpentines comme très agressives, mais elles sont défensives. D’autres tortues peuvent plier leurs membres en-dessous de leur coquille et elles sont complètement protégées, mais les tortues serpentines n’ont pas cette protection. Leurs membres, leur visage et leur tête sont très exposés et elles ne peuvent pas se rétracter […] Pour leur défense, elles ont tendance à mordre quand les humains viennent proches. Ils essaient d’aider, mais elles ne comprennent pas. […] Il y a une façon de les prendre, tu peux les tenir par l’arrière de la carapace et mettre ta main en-dessous, pour les soutenir. »

tortues serpentine
Tortues serpentines
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Conséquences du projet de loi 5 pour tout un écosystème

« Ça prend 20 ans pour amener les tortues à pondre des œufs et 0,1 pourcent de ces œufs vont devenir adultes. Ça prend en moyenne 59 ans pour remplacer une tortue adulte dans la population […] Les tortues, en particulier les tortues serpentines, sont vraiment loyales à leur habitat. […] Je crois que beaucoup de gens pensent : les cerfs, les lapins, ils bougent juste vers une nouvelle zone… Les tortures ne sont pas comme ça, elles ont des habitudes. »

Envahir leur environnement aurait donc des conséquences dévastatrices pour la survie de l’espèce et Nicole rappelle que les tortues exercent des fonctions primordiales dans l’écosystème.

« Elles nettoient notre eau, elles nettoient les poissons morts, elles réduisent les agents pathogènes et les bactéries dans l’eau. J’essaie de dire aux chasseurs et aux pêcheurs : « Si vous aimez l’eau propre, elles aident ! »  Donc, c’est vraiment important, on ne veut pas de poissons super contaminés. »

Yvon Duchesne, président de l’Association des citoyens pour la préservation des marécages de SDG
Yvon Duchesne, président de l’Association des citoyens pour la préservation des marécages de SDG
Raphaël Machiels On a le choix

Même son de cloche du côté de Yvon Duchesne, président de l’Association des citoyens pour la préservation des marécages de SDG.

L’organisation est actuellement préoccupée par la sauvegarde du marais Summerstown, à Cornwall.

« On a fait des demandes pour que ce marécage-là soit sauvegardé parce qu’au nord, il va y avoir une autre zone de développement et le marécage va être entouré de développement industriel. C’est important de prendre des mesures pour aider parce qu’il va sûrement se passer des choses qui vont nuire à l’habitat des animaux. »

La Docteure Mary Ann Perron est chercheuse pour le St Lawrence River Institute :

« Ça m’inquiète beaucoup pour l’environnement. Je suis une scientifique qui est spécialisée dans les milieux humides et 40 % des animaux et des plantes dépendent des milieux humides pour finir leur cycle de vie. Les changements qui sont proposés dans le projet de loi 5, ça va réduire les protections qu’on a sur les espèces qui sont déjà en péril. Il y a une certaine protection qui existe actuellement en Ontario et de toutes les provinces, c’était la meilleure. […] La chose qui m’inquiète le plus, c’est la définition d’habitat. Ça va enlever la protection dont les animaux ont besoin pour se nourrir. ».

La Docteure Mary Ann Perron est chercheuse pour le St Lawrence River Institute
La Docteure Mary Ann Perron est chercheuse pour le St Lawrence River Institute
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Les milieux humides diminuent les risques d’inondation et améliorent aussi la qualité de l’eau. Ici, on prend l’eau potable du fleuve. On va risquer de réduire la qualité de cette eau aussi.

Cercle de feu

« J’ai vécu puis travaillé pendant 36 ans dans la forêt boréale  », raconte Yvon Duschesne, ancien garde forestier. […] Si tu regardes sur une carte du nord de l’Ontario, c’est seulement des lacs et des rivières puis si tu penses bâtir un chemin de 200-300 milles à travers tout ça, il va y avoir des implications très sérieuses, non seulement pour la faune, la flore, mais aussi économiques. »

Le projet de loi 5 favoriserait ce grand développement dans le « Cercle de feu », région de ressources minérales située à environ 540 km au nord-est de Thunder Bay.

La zone est définie par la taille et la forme de ses vastes gisements de minéraux qui couvrent jusqu’à 5 000 kilomètres carrés.

Le « Cercle de feu » pourrait devenir un mégaprojet, dont la construction s’étale sur de nombreuses années et qui peut transformer profondément l’environnement et l’économie de la région.

Le Docteur Brian Hickey œuvre pour le programme éducationnel du St Lawrence River Institute de Cornwall
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Autres initiatives locales et ressources

Le Docteur Brian Hickey œuvre pour le programme éducationnel du St Lawrence River Institute de Cornwall.

« Nous voulons sensibiliser les gens à la situation critique des amphibiens qui souffrent des changements climatiques et d’autres dégradations environnementales qui, dans la plupart des cas, sont causées par les humains. »

On invite les gens à télécharger l’application I Naturalist parce qu’on veut encourager la science citoyenne et c’est une très bonne façon, non seulement de contribuer à la science, mais aussi d’apprendre à identifier les animaux, les plantes, etc.

Concernant les tortues, Nicole Truesdell précise qu’il existe également un service de taxi fourni par le Centre de conservation des tortues de l’Ontario. « S’il y a une tortue blessée, les volontaires peuvent aller les chercher. Et c’est pour donner des soins médicaux urgents et trouver un relais pour les relâcher. » La saison actuelle est celle de la reproduction. « Si vous voyez une tortue qui pond, je recommande de contacter Turtles gardians tout de suite, par message ou appel de 7h du matin à 11h du soir. Ils peuvent vous dire quoi faire et si je peux fournir un support local, ils vont me contacter. »
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