Commerce interprovincial : le Canada avance, tarifs ou non

FRANCOPRESSE – Marianne Dépelteau – La levée des barrières au commerce interprovincial fait partie de la réponse canadienne à la menace tarifaire de Donald Trump. Elle continuera, qu’il y ait des tarifs ou non, assure la ministre fédérale Anita Anand en entrevue avec Francopresse. Les provinces et territoires sont tous prêts à collaborer.
Drapeaux Provinces et Territoire, Canada
Des recommandations formulées par le Comité sur le commerce intérieur ont obtenu l’unanimité des représentants du fédéral, des provinces et des territoires. Photo : Martin Lopatka – Photo : Wikimedia Commons – CC_BY-SA_2.0

Le fédéral, les provinces et les territoires sont tous «alignés pour faire tomber les obstacles qui freinent le commerce entre nos provinces et territoires et rendre ça plus facile pour les consommateurs de choisir les produits de chez nous», a assuré le premier ministre, Justin Trudeau, lors d’une conférence de presse le 1er février.

Il annonçait alors la riposte canadienne aux tarifs douaniers des États-Unis, qui ont finalement été suspendus pendant au moins 30 jours à compter du 3 février.

Mais ce revirement de situation n’arrête pas le travail entamé par Ottawa et les provinces pour faciliter le commerce interprovincial, assure la ministre des Transports et du Commerce intérieur, Anita Anand, à Francopresse.

« C’est le moment »

Le Comité sur le commerce intérieur (CCI) s’est réuni le 31 janvier pour discuter, notamment, de l’amélioration de l’Accord de libre-échange canadien (ALEC).

Ainsi, trois recommandations ont été formulées à l’unanimité et seront présentées aux premiers ministres provinciaux, territoriaux et fédéral :

  • la reconnaissance mutuelle des règlements entre provinces et territoires;
  • la réduction des exceptions;
  • l’amélioration de la libre mobilité de la main-d’œuvre afin qu’un travailleur en règle puisse aller travailler dans n’importe quel endroit du pays sans délai.
Anita Anand
« Il y a une volonté autour de la table », dit Anita Anand. Photo : Courtoisie

Tel qu’annoncé par voie de communiqué le 5 février, tous les premiers ministres ont appuyé ces recommandations du Comité.

« On doit avoir un système où les provinces et territoires reconnaissent les exigences règlementaires des autres », explique Anita Anand. Celle-ci affirme que ces initiatives iront de l’avant, « peu importe ce qui se passe aux États-Unis ».

« C’est le moment de parler, de faire le progrès réel, et on va continuer sur ces recommandations-là parce que c’est nécessaire de bâtir notre économie domestique pour notre population, sans considérer ce qui se passe aux États-Unis », ajoute-t-elle.

Un accord limité

Entré en vigueur le 1er juillet 2017, l’Accord de libre-échange canadien (ALEC) est un accord commercial intergouvernemental signé par le gouvernement fédéral et les 13 provinces et territoires.

Dans ce document d’environ 350 pages, plus de 130 sont dédiées aux exceptions au libre-échange posées par les différents gouvernements.

Un exemple classique concerne les boissons alcoolisées, qui font l’objet d’exceptions dans la grande majorité des provinces et qui rendent difficile l’exportation de l’alcool vers d’autres provinces et territoires.

Les barrières règlementaires, elles, ne sont pas codifiées dans l’Accord. Par exemple, les juridictions ont des règles différentes quant à la taille des contenants pour les emballages alimentaires.

Les provinces embarquent

Avant que Donald Trump ne suspende les tarifs douaniers visant le Canada, les premiers ministres de toutes les provinces et tous les territoires s’étaient engagés à faciliter le commerce interne. Le plan : s’attaquer aux barrières qui limitent l’ALEC.

La première ministre du Nouveau-Brunswick, Susan Holt, a par exemple déclaré lors d’une conférence de presse, quelques heures avant l’annonce de la suspension, le 3 février, que sa province « participe à une révision agressive des barrières au commerce interne pour renforcer l’économie canadienne ».

« On évalue activement la possibilité que la Saskatchewan retire ses propres exceptions, en totalité ou en majorité », a pour sa part déclaré le premier ministre Scott Moe, en conférence de presse le même jour.

Doug Ford
 Les règles ont changé, nous sommes dans une guerre économique, il faut abolir les barrières », a déclaré le premier ministre ontarien Doug Ford, le 3 février. « Il y a un peu de protectionnisme dans le pays, mais je suis très confiant. » Photo : Capture d’écran – CPAC
« Les règles ont changé, nous sommes dans une guerre économique, il faut abolir les barrières », a déclaré le premier ministre ontarien Doug Ford en conférence de presse le 3 février, avant le sursis.

Comme président [du Conseil de la fédération], et même avant que je sois président, j’essaie de faire ça. Il y a un peu de protectionnisme dans le pays, mais je suis très confiant.

Un potentiel de 200 milliards de dollars

Dans un communiqué de presse, la ministre Anita Anand confirme que « l’élimination des obstacles règlementaires fera baisser les prix, augmentera la productivité et ajoutera potentiellement jusqu’à 200 milliards de dollars à l’économie canadienne ».

C’est aussi le chiffre qu’évoque l’analyste sénior en politiques publiques à l’Institut économique de Montréal, Gabriel Giguère, en entrevue avec Francopresse. Ce think tank a développé un index pour suivre l’évolution des barrières codifiées dans l’Accord.

« Ce qu’on a constaté, c’est que certaines provinces, notamment l’Alberta ou le Manitoba, ont réduit leurs barrières au commerce interprovincial, dit-il. Mais il y a d’autres provinces qui ont fait du surplace. On peut penser au Nouveau-Brunswick, mais surtout le Québec »

Le Québec a posé le plus grand nombre d’exceptions, 36, et n’en a éliminé aucune depuis 2017. « Je pense que toutes les provinces devraient s’attaquer aux barrières qui restent de leur côté, mais le Québec a très certainement beaucoup de travail à faire », dit-il.

« Au Québec, nos exceptions sont assez normales», explique le ministre québécois délégué à l’Économie, Christopher Skeete. Il donne l’exemple de la mobilité de la main-d’œuvre : « On va reconnaitre les diplômes et les professions à l’extérieur du Québec, mais on exige le français ».

Le ministre évoque une « perception persistante » selon laquelle le commerce interprovincial va mal, en particulier à cause des exceptions. « C’est sûr qu’il y a des irritants, des enjeux à régler, mais la bonne nouvelle c’est qu’on constate déjà qu’il y a une belle augmentation du commerce interprovincial depuis un bon nombre d’années », dit-il.

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