On a le choix
Delphine Petitjean
IJL-Réseau.Presse-On a le choix
Rédactrice en chef et journaliste
Delphine est diplômée en études de la communication et des médias ainsi qu'en rédaction web et enseignement. Elle a débuté en presse écrite en Belgique, puis s'est dirigée vers le domaine de l'insertion professionnelle et de la formation. Au Canada, elle a été chargée de projet, a eu quelques collaborations en rédaction, avant de se former à la réalisation documentaire et de co-fonder On a le choix Média.
On a le choix
Raphaël Machiels
Directeur Technique et Caméraman - Monteur
Raphaël est diplômé en Techniques Cinématographiques et en Développement Web. En Belgique, il a travaillé pour la télévision nationale, ainsi que pour les télévisions locales en tant que caméraman - monteur. Il a aussi oeuvré sur des captations de concerts et d'évènements sportifs. Au Canada, il a travaillé dans le Web avant de co-fonder On a le choix Média.
Des attraits pour les nouveaux arrivants…
Située entre Montréal et Ottawa, Cornwall, avec ses quelque 50 000 habitants, est à la fois proche de la nature et des grands centres urbains.
Selon le dernier recensement de Statistique Canada, près de la moitié de la population (41,81 %) peut parler anglais et français et la ville compte deux conseils scolaires francophones. C’est pourquoi la région attire de plus en plus de nouveaux arrivants d’expression française.
La municipalité et l’Association des communautés francophones de l’Ontario, de Stormont, Dundas et Glengarry (ACFO-SDG) se réjouissent donc de la récente nomination de Cornwall en tant que communauté francophone accueillante et du financement qui devrait en découler.
« La désignation donne à Cornwall l’accès à un nouveau flux de financement de 11 millions de dollars pour aider les immigrants francophones à Cornwall à s’intégrer plus rapidement et pleinement à notre communauté et à son tissu socio-économique. Le travail pour obtenir notre part commence maintenant pour de bon », a déclaré la municipalité dans un communiqué diffusé le 5 septembre sur son site Internet.
…mais une première barrière
Parallèlement, notre rédaction est souvent contactée par des immigrants francophones qui cherchent à s’établir à Cornwall. Ils ont pris leurs informations en ligne, et s’ils sont attirés par la qualité de vie affichée, ils ne trouvent pas de logement.
Selon les différents témoignages reçus, la problématique est récurrente et amène ces nouveaux arrivants à reconsidérer leur projet d’installation pour finalement se diriger vers Ottawa ou Montréal.
Sofiane Ait Hadji, un Franco-Algérien, a accepté de témoigner de cette réalité. Il a décidé de quitter la France avec son épouse et leur nouveau-né pour s’établir au Canada en tant que résident permanent en juin dernier.
Le candidat à l’immigration a glané beaucoup de renseignements et lu différents retours d’expérience. L’Ontario lui a semblé la province la plus dynamique économiquement.
Sofiane est cependant beaucoup plus à l’aise en français qu’en anglais pour s’exprimer. Il a donc voulu tenter sa chance dans une localité qui n’était pas trop loin du Québec pour bénéficier du bilinguisme.
Lorsqu’il a découvert Cornwall, il a décidé de commencer sa recherche de logement à distance. « Je me suis dit : “Je vais me retrouver sur un petit carrefour et je pourrai profiter de la vie d’une ville tranquille qui me permettra d’élever mon enfant dans de bonnes conditions”. »
L’homme a d’abord contacté des agences immobilières de la ville qui s’affichaient francophones. Une seule lui a répondu, en anglais. Il a ensuite communiqué avec les propriétaires directement.
Les propriétaires demandent un an de loyer d’avance
Sofiane trouve que les propriétaires ne semblent pas habitués aux immigrants. « On m’a demandé ce que je venais faire à Cornwall, si le gouvernement me versait de l’argent. »
Finalement, les bailleurs avec qui il était en contact ont exigé qu’il débourse un an de loyer d’avance. Sofiane a refusé. « Je sais que c’est illégal », commente-t-il. Il ajoute : « Je ne peux pas prendre le risque de m’installer dans un endroit où on ne serait pas bien accueillis. »
Le frère et la sœur de Sofiane habitent à Montréal. Ils sont venus à Cornwall pour prendre des vidéos des quartiers et des logements que le jeune père avait repérés en ligne.
« Ils m’ont montré les vidéos. Pour des appartements entre 1 700, 1 800 $, c’étaient des quartiers où je ne pourrais pas vivre avec mon enfant. Les logements à Ottawa et Montréal étaient plus grands, plus propres, plus salubres, dans de meilleurs quartiers et moins chers que ce qui est proposé à Cornwall », estime-t-il.
« Je me suis posé la question : qu’est-ce qui se passe ? Est-ce qu’il y a quelque chose qui ne va pas à Cornwall ? Pourquoi c’est aussi cher pour une si petite ville ? » Le nouvel arrivant s’est finalement installé à Montréal, dans un appartement trouvé avec l’aide de sa sœur.
Sofiane a choisi de rester dans la métropole québécoise pour plus de facilité, le temps de s’acclimater au pays. Il pense s’établir ensuite à Ottawa ou à Kingston, mais « laisse encore sa chance à Cornwall. »
Un parc immobilier sous haute tension depuis la pandémie
Sophie Goudreau, agente immobilière pour Century 21, brosse un portrait mitigé de la situation du logement tant résidentiel que locatif. À Cornwall, une maison familiale de deux chambres, de type bungalow, est au prix moyen de 420 000 $. Les récentes baisses du taux d’intérêt encouragent les acheteurs à reprendre leur recherche.
Pour la location, il y a une telle pénurie que les agences organisent désormais des portes ouvertes, dit-elle. « Ils font rentrer une trentaine de personnes qui peuvent remplir un formulaire de candidature pour le logement et malheureusement, il n’y en a qu’un qui est choisi. »
Cette professionnelle identifie plusieurs raisons à la pénurie depuis la pandémie : « On a un grand nombre de nouveaux arrivés, en même temps. Il y a beaucoup de gens qui n’ont plus les moyens de payer leur hypothèque parce qu’ils étaient sur un taux variable. Puis, ça a triplé durant les deux dernières années et ces gens-là ont dû vendre. Alors, ils se retrouvent sur le marché de la location. Aussi, on a moins d’investisseurs. »
La courtière précise que les immeubles à revenus ne sont plus rentables en raison de l’augmentation des prix (45 % depuis 2019) et des taux d’intérêt.
Besoin de garanties supplémentaires pour les nouveaux arrivants
Concernant les exigences des propriétaires, Sophie Goudreau s’appuie sur la loi de l’offre et de la demande. « Les propriétaires ont le choix. Vu qu’ils ont le choix, ils seront plus exigeants. », estime-t-elle. Les nouveaux arrivants sont alors confrontés à des demandes de garanties plus importantes.
« [Quand] les immigrants arrivent ici, ils n’ont pas d’historique de crédit. Certains vont arriver avec des fonds. Ils vont pouvoir offrir un an du prix de la location. Ça va sécuriser les propriétaires. S’il [le nouvel arrivant] n’a pas d’emploi, il faut qu’il montre qu’il est solvable, d’une façon ou d’une autre »
« Depuis la pandémie, on a des gens de partout, on attire de plus en plus de francophones aussi. Depuis les derniers 75 ans, on a eu le plus haut taux d’immigration, qui est arrivé. Donc, ça va être à suivre… Comment on va arriver à loger tous ces gens-là, je ne sais pas. Puis, avoir des permis pour construire, c’est rendu tellement cher et puis, très long à se concrétiser aussi », commente Sophie Goudreau. Selon elle, la crise du logement est là pour durer quelques années.
Un plan stratégique pour améliorer l’accès au logement
La ville de Cornwall a quant à elle présenté récemment la mise à jour semestrielle de ses priorités stratégiques. Le premier pilier du plan défini pour la période 2022-2026 s’intitule : « Un logement pour tous ». Le document propose trois stratégies pour améliorer l’accès au logement. La première vise à créer un environnement favorable à l’innovation pour construire plus de logements accessibles à tous, indépendamment de l’âge, du revenu ou de l’appartenance démographique. La deuxième stratégie cherche à soutenir la position de la Ville en tant que gardienne du logement abordable. Enfin, la troisième ambitionne d’abolir les obstacles financiers, sociaux et juridiques à l’acquisition d’un logement.
Réaffecter et construire des logements
Pour mettre en œuvre ces stratégies, la municipalité compte, entre autres, sur l’acquisition de nouveaux terrains en bordure du fleuve, ainsi que sur la construction et la réaffectation de bâtiments inoccupés pour élargir le parc immobilier disponible.
La Ville prévoit aussi de revoir les considérations liées à la densité et à la hauteur des bâtiments, afin de bâtir des logements adaptés à chaque espace ou encore plus de logements sociaux, avec des fonds dédiés.
« La crise nationale du logement, à laquelle Cornwall n’échappe pas, exige de la collaboration et de l’innovation », souligne la directrice générale des Services à la personne de la Ville de Cornwall, Lisa Smith.
« Nous avons défini – et le conseil a approuvé – un plan de logement sur dix ans, et nous nous efforçons activement d’obtenir des fonds supplémentaires pour le mettre en œuvre ». Selon elle, des progrès ont déjà été réalisés. Un immeuble résidentiel a vu le jour au centre de Cornwall et d’autres projets sont en cours, comme la construction de logements communautaires pour les plus vulnérables.